Modélisation de Systèmes d'Optique Astronomique Pour l'Observation à Haute Résolution Angulaire





Etude et compréhension

Maintenant que nous avons introduit les notions préliminaires nécessaires à l’étude des perturbations atmosphériques, nous allons détailler les simulations effectuées à l’aide du logiciel CAOS (Code for Adaptive Optics Systems) et chercher à les interpréter. Nous les confronterons ensuite avec les résultats obtenus par Martinez et al. [2] à partir de données relevées sur le terrain.

Dans un premier temps, le logiciel CAOS [5] que nous avons utilisé est un logiciel principalement utilisé dans la recherche dans le domaine de l’optique adaptative. C’est donc un outil puissant, permettant d’effectuer des simulations de phénomènes d’optique et nous permettant d’effectuer de nombreuses réalisations sans la nécessité de mesurer sur le terrain. Il est codé en IDL c'est pour cela que nous avons utilisé ce même langage dans nos simulations.

L’outil se présente comme une fenêtre pourvue de cellules. Dans ces cellules nous pouvons intégrer des modules qui correspondent à un dispositif (télescope, écran…) ou à un phénomène physique (objet – source lumineux(se), atmosphère). Le programme effectue alors la simulation : l’onde lumineuse émise par la source passe d’abord au travers d’une atmosphère fictive dont on aura fixé les paramètres puis se retrouve sur la pupille d'entrée du télescope, avant d’être redirigé vers deux foyers image pour lesquels on définit la taille des pixels en secondes d'arc, leur nombre ainsi que la longueur d'onde à laquelle on observe l'image. Un de ces foyer nous donne l’image «instantanée » (image pose courte) consitutée de speckles de diamètre λ/D tandis que l’autre nous donne l’image pose longue qui correspond à la superposition des images pose courte.

Menu de CAOS
Exemple de Module (ici ATm pour l'atmosphère)
Superposition des images cours temps de pause

Dans toutes nos simulations, le paramètre de Fried aura pour valeur r0 = 0.1m

Dans un premier temps nous avons commencé à effectuer des simulations avec 50 itérations, nous nous sommes rapidement rendus compte que le nombre de poses courtes superposées était trop faible pour obtenir des valeurs statistiques correctes. Nous nous sommes alors tourné vers des simulations avec 5000 itérations (le temps de calcul passant de 1 minute à plus de 40 minutes).

Pause longue avec 50 itérations à gauche et 5000 à droite
Coupe des deux poses longues

Afin de comparer les deux courbes ci – dessus, nous avons écrit une fonction qui mesure la distance moyenne de chaque point de la courbe par rapport à la gaussienne théorique que la fonction gauss2dfit nous donne. Après avoir normalisé les courbes (on ne peut pas directement comparer deux poses longues n'ayant pas été intégrées sur la même durée), on observe que la distance moyenne par rapport à la courbe théorique est √ 100 = 10 fois plus petite pour la pose longue sur 5000 itérations que pour la pose longue sur 50 itérations. Ce phénomène est expliqué grâce à la loi de Poisson qui dit que l'erreur statistique est divisée par un facteur √N où N est le ratio entre le nombre d'itérations pour les deux expériences.

Nous avons donc eu la curiosité d'observer comment se rapproche la valeur expérimentale de la valeur théorique en fonction du nombre d'itération : Pour une échelle externe L0 = 22m avec un télescope de 4m de diamètre on obtient le profil de l'évolution de la distance moyenne entre les données expérimentales et la valeur théorique. On observe qu'en dessous de 2000 itérations la distance moyenne est très affectée par le nombre d'itérations, les observations faites avec moins de 2000 itérations sont donc peu pertinentes.

Par la suite nous nous sommes demandé comment l'echelle externe L0 affecte la largeur à mi hauteur (plus communément appelée FWHM pour Full Width at Half Maximum) de notre image. Les conditions que l'on prend pour ces simulations sont : une seule couche turbulente considérée à une altitude h = 300m, Cn2 = 1 m-2/3, un télescope de diamètre 4 mètres. Pour rappel le seeing est le même pour toutes les mesures puisqu'il ne dépend que de r0 le paramètre de Fried et de λ la longueur d'onde l'onde qui nous parvient, deux paramètres considérés invariants au cours d'une mesure. La largeur à mi – hauteur de Tokovinin, elle, doit être recalculée pour chaque mesure car elle dépend de L0, paramètre que l'on modifie d'une mesure à l'autre.

Les résultats obtenus nous permettent de voir que pour une échelle externe inférieure à 200 mètres, la largeur à mi – hauteur est en effet bien plus proche de la valeur théorique que Tokovinin a exposé en 2002. Néanmoins pour une échelle externe plus grande (tendant vers l'infini), on observe que la largeur à mi – hauteur se rapproche du seeing, comme le suggérait Kolmogorov. Les mesures sur le terrain à Paranal font état d'une échelle externe dont la valeur n'excède pas 200m, avec une valeur médiane de 22 mètres, résultats obtenus par le moniteur GSM lors d’une mission d’observations au Cerro Paranal en Novembre et Decembre 1998 (Thèse Jérôme Maire, chapître "Introduction" page 28). Le modèle de Kolmogorov pour lequel l'échelle externe aurait une valeur infinie n'est donc pas pertinent.

Nous avons vu dans la section précédente que le diamètre des télescopes n'a pas permis une grande amélioration de la résolution angulaire. Nous pouvons néanmoins nous demander comment la largeur à mi – hauteur (qui est égale à la résolution angulaire) évolue en fonction du diamètre du téléscope (si elle évolue). Nous avons alors effectué une nouvelle série de simulations où nous avons mesuré la largeur à mi hauteur pour des poses longues avec des télescopes de différentes tailles (avec toujours une échelle externe L0 = 22m et une longueur d'onde de 500nm).

Ce graphique met en évidence le manque de gain de résolution angulaire dans le cas des grands télescopes. En effet, le gain en résolution angulaire semble significatif quand le diamètre d'un télescope augmente dans la limite où D<r0. A partir de D=r0, la largeur à mi-hauteur ne diminue presque plus, on observe que celle-ci stagne quelle que soit le diamètre du téléscope (FWHM3m = FMHM8m).
La courbe jaune représente la résolution théorique d'un téléscope sans atmosphère. On peut clairement voir que l'atmosphère est un véritable obstacle pour l'observation à haute résolution angulaire. Par exemple le télescope Hubble qui mesure 2,4m de diamètre possède un pouvoir de résolution inférieur à 0,1 seconde d'arc, pour une longueur d'onde de 550nm.

Une observation intéressante concerne l'évolution de la distance moyenne entre les valeurs expérimentales obtenues et la gaussienne théorique en fonction du nombre de speckles qui se forment au foyer image. Le nombre de speckles est donné par la formule Ns = 0,34 * (D/r0)², il dépend donc directement du diamètre du télescope. On observe donc que le nombre de speckles que l'on mesure au foyer image du télescope diminue avec le diamètre du télescope. Cela a pour effet de diminuer la dispersion des speckles au foyer image (du fait que ceux ci sont moins nombreux), réduisant ainsi la distance moyenne entre la courbe théorique et expérimentale.

Nous nous sommes posé la question de l'influence de la longueur d'onde sur la largeur à mi hauteur des images que l'on obtient, en effet nous savons que r0 est plus grand dans l'infrarouge, nous supposons donc que la largeur à mi hauteur devrait diminuer en même temps que la longueur d'onde augmente.

Ce graphique valide l'hypothèse formulée ci – dessus, on observe bel et bien une diminution de la largeur à mi – hauteur pour les longueurs d'onde les plus fortes, on observe également que le graphique représentant la largeur à mi hauteur théorique (obtenu à l'aide de la formule de Tokovinin, en rouge) se superpose bien aux résultats expérimentaux obtenus.

Afin de vérifier la fidélité de nos simulations par rapport aux cas réels, nous avons comparé deux de nos résultats d'expérience avec le document de Martinez & Al "On the Difference between Seeing and Image Quality: When the Turbulence Outer Scale Enters the Game" qui analyse des données obtenues sur le terrain. Nous avons constaté que nos simulations présentent des résultats très proches des observations décrites dans le document.