"L'Astronomie est l'image du Monde, laquelle se reflète sur le miroir de la pensée humaine."
Gianni Romano
Traitement de données
Données du satellite Corot
Dans cette partie, après avoir présentés brièvement le satellite Corot, nous étudierons et interpréterons les données de deux RR Lyrae, CoRoT ID 0100689962 et CoRoT ID 0101370131, que nous nommerons respectivement "étoile 962" et "étoile 131".
Ces fichiers de données nous ont été fournis par notre encadrante, Merieme Chadid, et nous les traiterons grâce à un logiciel nommé Period04. C'est un logiciel gratuit, et téléchargeable ici.
La documentation relative à son utilisation est aussi accessible via le lien précédent.
Le télescope spatial Corot
Le télescope spatial CoRoT (COnvections, ROtations, et Transits planétaires)
est dédié à la recherche de planètes extrasolaires et à l'étude de la pulsation des étoiles. Il est né d'une initiative française, avec la contribution de nombreux
laboratoires à l'étranger. Il est capable d'observer depuis l'espace un groupe d'étoiles pendant quelques mois en quasi-continu, et détecte des variations
de luminosité avec une précision remarquable. Sa mission commença le 26 décembre 2006 et permis d'obtenir les courbes de lumière de nombreuses étoiles.
Bien qu'il ne soit plus opérationnel à l'heure actuel, à cause du bombardement intense de particules de hautes énergies présentes dans l'espace, la mine
d'information qu'il a recueilli est toujours en cours d'analyse.
Etude de l'étoile 962
Analyse et interprétation de courbes de lumière
Les données que nous avons récupérées du satellite Corot se présentent sous forme d'un tableau de valeur:
Figure 1- Tableau de données du satellite Corot concernant l'étoile 962
Le Jour Corot a pour origine de temps le jour du lancement du satellite Corot.
A l'aide de Period 04, nous obtenons les courbes de lumière de l'étoile, que nous pouvons voir sur les figures 2 et 3.
Nous identifions approximativement la période de pulsation \(P \approx 0,4 jours\). L'analyse de fréquence nous permettra de la déterminer précisément.
On observe que la courbe de lumière est asymétrique, ce qui est caractéristique d'une RRab. En effet, nous constatons une montée brusque suivie d'une descente plus douce. Mettons ce constat en relation avec le \( \kappa\)-\( \gamma \) mécanisme.
Quand on se trouve à un des sommets de la courbe de lumière, la magnitude est minimale. Ce qui fait que l'étoile est à son expansion maximale.
Ensuite, à cause de la force de gravité, l'étoile va se contracter et va voir sa magnitude augmenter. Nous nous trouvons alors sur la pente descendante de la courbe de lumière. La température de l'étoile va augmenter jusqu'à un certain seuil, et l'énergie thermique va se transformer en énergie d'ionisation, ce qui aura pour effet d'ioniser l'hélium et l'hydrogène et d'augmenter l'opacité, piégeant ainsi les photons produits par les réactions thermonucléaires de l'étoile (voir \( \kappa\)-\( \gamma \) mécanisme)
Au minimum de la courbe, la magnitude de l'étoile est maximale, mais les forces de pressions sont très intenses, du fait que les photons ne puissent pas s'échapper
Il vient alors un moment où, les forces de pressions devenues trop intenses, supplantent la force de gravité. Une onde de choc est alors produite, ce qui aura pour effet de repousser violemment les différentes couches de l'étoile vers l'extérieur et de provoquer une forte augmentation d'éclat. D'où la monté brusque de la courbe de lumière. Le rayon de l'étoile va augmenter jusqu'à son maximal, et le cycle va pouvoir recommencer
On remarque aussi la présence d'une bosse vers la fin de la pente descendante. En effet, durant la contraction de l'étoile, on observe une brève stagnation, pour enfin reprendre une contraction régulière.
Cette stagnation provient du fait que les couches de la haute atmosphère de l'étoile vont s'entrechoquer avec les couches de sa basse atmosphère, provoquant une onde de choc de compression aussi appelé choc collisionnel (Hill, 1972): les couches du dessous opposent une certaine résistance, bloquant brièvement le mouvement de contraction.
Cette figure nous montre 5 cycles Blazhko.
Nous allons tenter de déterminer approximativement la modulation d'amplitude de la courbe de lumière de l'étoile. Il suffit de mesurer l'amplitude minimale, et d'y soustraire l'amplitude maximale. L'amplitude minimale est d'environ 0,32 magnitude, et l'amplitude maximale est d'environ 0,75 magnitude. On peut donc estimer la modulation d'amplitude à 0,43 magnitude.
On peut aussi déterminer approximativement la période d'un cycle Blazhko \( P_b \approx 30 jours \). L'analyse de fréquence nous permettra également de connaître avec précision \( P_b \).
Nous pouvons aussi déterminer la modulation de période de pulsation due à l'effet Blazhko. Period04 nous permet de tracer la courbe de lumière de l'étoile 962, en remplaçant le jour Corot par la phase (voir figure 4).
Ceci nous permet d'avoir une superposition de l'ensemble des points de la courbe sur une seule période. Les points les plus hauts représentent les maxima de la courbe de lumière, tandis que les points les plus bas représentent les minima. On remarque que le maximum des maxima et le maximum des minima n'ont pas la même phase \( \phi\). Il y a un décalage. Il suffit de mesurer ce décalage pour connaître la modulation de période de pulsation due à l'effet Blazhko. On mesure un décalage de phase de 0,05, et grâce à une règle de 3 on trouve que la modulation de période est de 0,175 jour.
Analyse de fréquences et interprétation
Period 04 nous permet "d'extraire", à partir des données de la figure 5, les fréquences de pulsation en utilisant la décomposition en série de Fourier (voir page précédente).
Nous identifions la fréquence ayant la plus forte amplitude. C'est la fréquence du mode fondamentale \( f_0 \). Nous savons que c'est \(f_0 \) car l'analyse de courbe de lumière nous a permis de déterminer que l'étoile que nous étudions était une RRab.
Ensuite, viennent les harmoniques de \( f_0 \), de la forme \(f_n = n \cdot f_0 \).
Figure 5- Fréquences extraites de l'analyse de fréquences de l'étoile 962
On peut alors trouver la valeur de la période
de pulsation \(P\) de l'étoile. En effet, elle est liée à \(f_0\) par la relation:
\( P = \frac{1}{f_0 }\)
On trouve que \(P = 0.35j\).
En poussant plus loin notre analyse, nous avons trouvé des structures en multiplet (nous pouvons en voir une sur la figure 8, après le tableau), trahissant la présence de l'effet Blazhko.
Ces structures sont identifiées dans le tableau de la figure 7, ci-dessous:
Nous remarquons que les multiplets ne sont pas toujours symétriques. En effet, nous trouvons plus de fréquences de la forme \( n \cdot f_0 + k \cdot f_b \)
que de fréquences de la forme \( n \cdot f_0 - k \cdot f_b \), à cause de la faible amplitude de ces dernières.
De plus, limité par Period04, nous n'avons pas pu déterminer \(12 \cdot f_0 \), \(13 \cdot f_0 \), \(14 \cdot f_0 \), à cause de leurs faibles amplitudes, alors que nous avons identifié leurs modulations blazhko.
Nous avons aussi détecté la fréquence Blazhko \( f_b \) elle-même et ses deux premiers harmoniques (figure 9 et figure 10). Nos résultats concordent avec ceux de notre encadrante, Merieme Chadid, qui a étudié cette étoile dans cet article. Il s'avère que c'est la première fois que des harmoniques de \(f_b\) sont détectés.
Figure 9- \(f_b\) et ses deux premiers harmoniques
L'effet Blazhko étant périodique, nous pouvons déterminer sa période \(P_b \) grâce à la relation suivante :
\( P_b = \frac{1}{f_b}\)
On trouve que \(P_b = 27j\) ; correspondant à 77 fois la fréquence de pulsation de l'étoile.
Une fois que nous avons identifié toutes les fréquences, il ne reste que des alias (figure 11). Les alias sont des fréquences
provenant d'autres sources de lumière et n'ayant donc aucun rapport avec notre problème. En effet, il est très difficile (voir impossible) que Corot ne capte
aucune autre lumière que celle de l'étoile qu'il observe, mais ces alias peuvent provenir également du "bruit" de l'instrument, c'est-à-dire des signaux parasites provoqués par le fonctionnement même des instruments embarqués.
Détermination de distance
A partir de la courbe de lumière de cette étoile, nous pouvons aussi déterminer la distance qui nous sépare d'elle. Nous avons créé un petit programme en C qui nous permet de le faire, dont le code est téléchargeable ici.
Le principe de fonctionnement de ce programme est détaillé ci-dessous:
Tout d'abord, nous calculons la magnitude apparente moyenne m de l'étoile. Nous trouvons \(m = 15,31 \).
Ensuite, nous calculons la magnitude absolue \( M\) de l'étoile grâce à la relation période-Luminosité : \(M = alog{P} + b\). Pour les RR Lyrae, \(a = -3.3\) et \(b = -0.3 \). Nous avons précédemment déterminé que la période de pulsation \(P\) de l'étoile 962 était de 0,35 jours. Ceci est une moyenne car nous savons que l'effet Blazhko module la période de pulsation. Nous trouvons \(M = 1,20 \). En comparaison, le soleil est de magnitude absolue \(M = 4,83\). M étant logarithmique, cela signifie que l'étoile 962 est 1000 fois plus lumineuse que le soleil.
Enfin, il ne nous reste plus qu'à appliquer la formule du module de distance : \( m-M=5log{d}-5 \) et nous trouvons \(d = 6632 parsecs\). L'étoile se trouve donc à 6632 parsecs de nous.
Conclusion
L'étude de la courbe de lumière et du périodogramme de l'étoile 962 nous a permis de déterminer certaines de ses caractéristiques:
Nous avons déduis que l'étoile était une RRab.
Nous avons détecté la fréquence fondamentale \(f_0\), nous permettant de trouver la période de pulsation de l'étoile \(P = 0.35j\), ainsi que ses harmoniques jusqu'à l'ordre 11.
Nous avons détecté des structures complexes en multiplet, trahissant la présence de l'effet Blazhko.
Nous avons déterminé la variation d'amplitude de la courbe de lumière, liée à l'effet Blazhko, qui est de 0.43 magnituden ainsi que sa variation de période qui est de 0,175 jours.
Nous avons détecté la fréquence Blazhko elle-même, nous permettant de déterminer la période d'un cycle Blazhko \(P_b = 27j\), ainsi que ses 2 premiers harmoniques.
Nous avons déterminé la magnitude apparente \(m = 15,31 \) de l'étoile, sa magnitude absolue \( M = 1,20\), et la distance \(d = 6632 parsecs\) à laquelle elle se trouve de nous.
Etude de l'étoile 131
Analyse et interprétation de courbes de lumière
Sur les figures 12 et 13, la courbe de lumière de l'étoile 131.
L'amplitude de cette courbe de lumière est estimée à environ 2 magnitudes.
La courbe de lumière est asymétrique comme celle de l'étoile 962, ce qui est caractéristique d'une RRab.
Sur la figure 13, on constate une certaine homogénéité. En effet,
il n'y a pas de modulation d'amplitude ni de période, donc pas d'effet Blazhko.
Analyse de fréquences et interprétation
Etant donné que l'étoile que nous observons est une RRab, nous nous attendrons à trouver des fréquences de la forme \( n f_0 \), comme pour l'étoile précédente.
De plus, nous ne nous attendons pas à trouver de multiplets de forme \( n f_0 \pm k f_b \) car nous n'avons pas détecté d'effet Blazhko.
Les fréquences identifiées sont dans le tableau de la figure 14, et le périodogramme correspondant sur la figure 15
Figure 14- Fréquences extraites de l'analyse de fréquences de l'étoile 131
Nous remarquons que nous ne trouvons pas les fréquences \( 11 f_0\) et \( 14 f_0\) même si nous devrions les trouver. Ceci est simplement dû aux limites de notre logiciel Period04.
On peut alors trouver la valeur de la période
de pulsation \(P\) de l'étoile. En effet, elle est liée à \(f_0\) par la relation:
\( P = \frac{1}{f_0 }\)
On trouve que \(P = 0.62j\).
Détermination de distance
Grâce au programme téléchargeable ici, nous déterminons la magnitude apparente de l'étoile \(m = 15,40 \), sa magnitude absolue \(M=0,38\) et la distance \(d= 10101 parsecs \) à laquelle elle se trouve de nous
Conclusion
L'étude de la courbe de lumière et du périodogramme de l'étoile 962 nous a permis de déterminer certaines de ses caractéristiques:
Nous avons déduis que l'étoile était une RRab.
Nous avons détecté la fréquence principale \(f_0\), nous permettant de trouver la période de pulsation de l'étoile \(P = 0.62j\), ainsi que ses harmoniques jusqu'à l'ordre 14.
Nous n'avons pas détecté de structures en multiplet ni remarqué de modulation d'amplitude et de période de la courbe de lumière de l'étoile 131. Cette étoile n'est donc pas affectée par l'effet Blazhko
Nous avons déterminé la magnitude apparente \(m = 15,40 \) de l'étoile, sa magnitude absolue \(M=0,38 \), et la distance \(d= 10101 parsecs \) à laquelle elle se trouve de nous
Sources
Hydrodynamic and radiative-transfer effects of an RR Lyrae atmoshpere, Stephen J. Hill, The Astrophysical Journal, 1972
First CoRoT light curves of RR Lyrae stars, M. Chadid, J.M Benko, R. Szabo, et al, 2010 Astronomy & Astrophysics, 510, 39
Nous conclurons ce site web dans la prochaine partie.