Introduction

Historique sur les Vagues Scélérates

Les vagues scélérates sont par définition des vagues océaniques dont la hauteur entre la crête et le creux est supérieure à deux fois la hauteur moyenne du tiers des plus hautes vagues du champ environnant.
Depuis plusieurs siècles, beaucoup de témoignages de marins rapportent l’observation de vagues géantes, mais l’existence de ces vagues reste mise en doute jusqu’au milieu du XXI ème siècle.

La mesure de l’amplitude des vagues est, depuis les années 1990, faite avec des lasers, radars ou bouées, qui mesurent l’élévation de la surface de l’eau en un point. Ces nouvelles technique de mesure ont permis de prouver l’existence des vagues scélérates.

Les premières données sérieuses, qui ont fourni les premières preuves irréfutables de l’existence des vagues scélérates, remontent à une quinzaine d'années, lorsque la plate-forme pétrolière Draupner, en mer du Nord, a mesuré le 1er janvier 1995, une vague haute de 25,6 mètres, alors que la hauteur significative n’atteignait que 10,8 m ! Selon les modèles de l'époque, une telle vague ne devait statistiquement se former qu’une fois tous les cent ans.
Sur l'enregistrement de la "Draupner Freak Wave" ci-desous on voit aisément que l'amplitude de cette vague est significativement plus grande que celle des vagues alentours:
source
Or plusieurs autres de ces évènements extrêmes ont été observées par la suite:
Par exemple, le Queen Elizabeth 2 rencontre une vague de 30 m dans l’Atlantique Nord en 1995.
Ou encore le Bremen et le Caledonian Star reçoivent trois vagues de 30 m dans le Pacifique Sud en 2001.
Retrospectivement, on estime à environ 22 le nombre de cargos écoulés, entre 1973 et 1994, suite à une rencontre avec des vagues scélérates.

Aujourd'hui, la détection des vagues scélérates est un enjeu à la fois scientifique et économique, et les travaux portant sur ces phénomènes se multiplient:
En 2004, trois semaines d’images radars provenant de satellites de l’Agence Spatiale Européenne ont été minutieusement analysées et pas moins de 10 vagues scélérates de 25 mètres chacune ont été identifiées.
En 2009, plusieurs travaux utilisant des radars de navigation embarqués sur des navires essayent de reconstruire la forme de la surface de l’océan pour, entre autres, détecter des vagues scélérates avant que le navire ne les rencontre.
En 2012, la Direction générale de l'Armement et l'entreprise toulousaine Noveltis présentent un système d'alerte de vagues extrêmes (SAVAS) susceptible de prévoir sur sept jours les zones à risques de vagues scélérates. Ce système a été testé par le patrouilleur L'Adroit au large de l'Afrique du Sud.

De l'Hydrodynamique à l'Optique

En hydrodynamique une vague désigne une déformation de la surface d'une masse d'eau. à l'interface entre l’air et l’eau, l'agitation de l'atmosphère engendre des mouvements de surface sous la forme de successions de vagues, de même allure mais différentes.

En 1968, Vladimir E. Zakharov a montré que, pour les groupes d'ondes modulées lentement, l'amplitude des ondes satisfaisait l'équation de Schrödinger non linéaire:



Où t est une variable couplée d'espace et de temps, x est la variable d'espace, κ est le parametre non-lineaire et ψ est l'amplitude de l'onde. La dérivée première par rapport au temps représente l'évolution temporelle, et la dérivée seconde par rapport à l'espace représente la dispersion.

Une des solutions possibles de l’équation de Schrödinger non-linéaire est le soliton. Il s’agit d’une une onde se propageant sans se déformer dans un milieu non-linéaire dispersif : c’est-à-dire que la vitesse de l’onde dépend de sa fréquence, comme les vagues dans l’eau ou la lumière dans l’air.

La valeur du paramètre non linéaire κ dépend de la hauteur d'eau relative et définie le comportement du système:
  • Pour les eaux profondes, κ est négatif et on est dans le cas focalisant, des solitons de l’enveloppe peuvent se produire.
  • Lorsque la hauteur d’eau devient insuffisante (pour h<λ/5, κ est positif, on se trouve dans la cas dé-focalisant, il n'y a pas de formation de soliton
    (NB : dans ces conditions des solitons peuvent se produire, mais ils ne sont plus décrit par cette équation).

Or les vagues scélérates peuvent être modélisées selon l’équation d’un soliton.
En effet, c’est en 1983 qu’Howell Peregrine, un mathématicien Anglais, établit la solution analytique du soliton de Peregrine. Au contraire du soliton classique, il est caractérisé par une double localisation, à la fois temporelle et spatiale, et son comportement correspond aux critères utilisés pour caractériser les vagues scélérates.

Malheureusement, ce modèle ne peut pas être confirmé expérimentalement. Le problème vient du fait qu’il y a trop peu d’enregistrement de mesures de vagues scélérates océaniques, et qu’elles sont quasi impossible à reproduire en laboratoire.

Le soliton de Peregrine reste une solution analytique jusq'en 2010 où une équipe de chercheur (B. Kibler, J. Fatome, C. Finot, G. Millot, F. Dias, G. Genty, N. Akhmediev et J. M. Dudley) arrive à produire un soliton de Peregrine dans une fibre optique (ref. 5).

L’optique apporte plusieurs avantages à l’étude des vagues scélérates, tout d'abord les paramètres sont trés bien maitrisés, ensuite les expériences sont faciles à reproduire en laboratoire et enfin l'échelle temporelle des expériences optiques est bien plus rapide que celle de l'hydrodynamique, cela permet donc de générer plus rapidement de larges plages de données.

Ce modèle comporte toutefois une différence majeure avec l’hydrodynamique : les observations sur fibres optiques sont nécessairement en 1Dimension spatiale alors que la surface de l’océan est en 2Dimensions. Pour essayer de palier à ce problème nous utilisons le modèle d'un LASER avec cavité verticale émettant par la surface (VCSEL) avec un absorbant saturable dans la cavité.
Il faut noter que pour cette simulation, en raisons du type de LASER que nous utilisons (avec absorbant saturable) nous ne pouvons pas utiliser l’équation de Schrödinger non-linéaire, notre set d'équations est présentés dans l'onglet Modélisation.

Recherche passée et en cours

Bien que l'étude des vagues scélérates ne se soit développée que récemment, ces phénomènes extrêmes ont déjà été observés dans beaucoup de domaines de la physique (ref. 6). Outre les vagues océaniques, on peut en rencontrer lorsque l'on étudie l’hélium liquide, les cavités micro-ondes (ref. 4) et bien sûr en optique.
La première étude portant sur les vagues scélérates en optique a été faite en 2007 par D.R. Solli et son équipe, ils ont observé des événements d'intensité extrême dans des fibres optiques (ref. 1).
En 2009, ce sont A. Montina et son équipe qui ont fait l'analyse de la distributions statistique des événements extrêmes dans un systeme optique autre que les fibres (ref. 3).
En 2010 J.M. Dudley et son équipe réussissent à produire expérimentalement un soliton de Peregrine dans une fibre optique (ref. 5) et en 2014 ils publient un article sur "les instabilités, breathers et vagues scélérates en optiques" (ref. 7).

Pour ce projet nous nous basons sur les travaux (en cours) de Mme Rimoldi concernant les vagues scélérate produites par un laser à cavité optique étendu (VCSEL) avec un absorbant saturable (ref. 8).


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