Expérience

Le but de l’expérience menée, est de trouver les valeurs de fréquence et de champ optimales pour la formation du réseau de colonnes. Nous allons donc, dans un premier temps mettre en place cette expérience, en expliquant les différentes étapes suivies.

Protocole Expérimental

Synthèse du fluide ER

On souhaite obtenir un fluide ER de dioxyde de titane (TiO2) dispersé dans de l’huile silicone de type PDMS (polydiméthylsiloxane).

Les caractéristiques des composants de notre nanofluide électrorhéologique sont :

Dioxyde de titane

- Rayon moyen : a = 25nm,
(mesuré par diffusion au ZetaSizer et par Microscopie Electronique à balayage, voir Annexe)
- Constante diélectrique relative : εp = 54,
- pH : 3.07,
- Charge : Z = 140 charges/particule.

Huile Sillicone

- Constante diélectrique relative: εm = 2.72,
- Viscosité : η = 10cPo (ou mPa.s),
- Conductivité : σ = 10-17S.m-1

TiO2 en poudre

Dans un premier temps, le TiO2, sous forme de poudre, est calciné, on le fait chauffer à 120°C dans une étuve, afin de lui ôter toute trace d’eau. En effet, on veut éviter que le solvant, ici le PDMS, conduise le courant. L’huile silicone ayant été notamment choisie pour sa bonne isolation. L’eau a une conductivité électrique élevée par rapport à celle de l’huile silicone, qui elle est négligeable.

On disperse donc le TiO2 dans de l’huile silicone, pour obtenir une fraction volumique Φ de 0.2 ; les particules de TiO2 doivent occuper 20% du volume du mélange. En effet, s’il n’y a pas assez de particules dans le fluide, toutes les colonnes ne seront pas formées, dans le cas contraire (trop de particules) les colonnes seront mal alignées.

La suspension est, ensuite, passée aux ultrasons afin d’éviter les agglomérats de particules.

Machine à ultrasons

Enfin, on met le fluide obtenu sous vide. Cela permet d’ôter un maximum, de bulles d’air formées lors du mélange entre l’huile silicone et les particules de TiO2. Ces bulles pourraient gêner le mouvement des particules et donc, à terme, leur bonne structuration.

Le Rhéomètre



Rhéomètre utilisé
Boitier de réglage

Un rhéomètre dynamique est un appareil servant à mesurer les modules d’élasticité G’ et de perte G’’ liés au fluide électrorhéologique étudié (ici TiO2 dispersé dans de l’huile silicone) en fonction du temps.

G’ représente le module élastique rendant compte du nombre de colonnes formées et de l’énergie entre chaque particule constituant les colonnes. G’’ représente le module de perte, c’est la partie dissipée en chaleur. Donc quand on observe G’>G’’, la création de colonnes est plus importante que leur destruction, au contraire si G’< G’’, alors la plupart des colonnes formées se cassent. Toutes les colonnes sont cassées quand G’ est nul.

L’appareil mis à notre disposition permet, en plus de cela, de soumettre le fluide à un champ électrique. En effet, il est composé de deux électrodes ayant pour géométrie une interface plan – plan, une cathode et une anode, où va passer le courant. Il est relié à un ordinateur affichant les résultats, ainsi qu’à un boîtier permettant la mesure et la modulation des paramètres en temps réel, la réaction du fluide étant très rapide.

De plus, nous devons nous assurer que l’intensité du courant soit négligeable pendant les manipulations. En effet, l’énergie des électrons doit servir uniquement à former des colonnes et ne pas être dissipée en effet Joules.

Nous suivons donc cette intensité en branchant un ampèremètre dans le circuit, et en relevant ses valeurs au cours du temps, rendant compte des pertes de courant par conduction dans le composite. Elle nous permettent d’obtenir un graphe de l’intensité en fonction des valeurs du champ électrique. Comme nous pouvons l’observer sur le graphe 1, l’intensité dans le circuit est très faible (de l’ordre du microampère), ce qui nous confirme que l’énergie n’est pas dissipée en effet Joules. De plus, on peut donc considérer le milieu (PDMS) comme un diélectrique pur, ce qui nous permettra, par la suite, d’utiliser le modèle dipolaire pour rendre compte des phénomènes observés.

graphe 1

La formation du réseau de colonnes, se traduit par une transition solide - liquide du système. Elle implique l’apparition de G’ le module élastique, qui rend compte du nombre de colonnes formées. En effet, G’ est lié aux énergies d’interaction entre les particules qui composent les colonnes. A l’aide du rhéomètre, en augmentant le champ électrique, on observera une augmentation de G’, car avec la hausse du champ, les forces d’interaction entre les particules sont plus fortes.

Electrode
Fluide entre les électrodes

On place le fluide électrorhéologique entre les deux électrodes, pour ce faire, il est possible de modifier la distance les séparant, facilitant ainsi l’installation du fluide, mais également celle des électrodes, en effet elles sont amovibles. On règle donc la distance inter-électrodes à environ 1mm, afin d’avoir un champ électrique E en V/mm.

La déformation γ

Nous avons, tout d’abord, effectué des mesures des modules G’ et G’’ au cours du temps en présence d’une déformation, on a remarqué qu’à partir, environ, d’une déformation de 10%, les colonnes avaient du mal à se reformer. En effet, on observe une construction et une destruction simultanées des colonnes, elles se cassent en morceaux (petites chaînes composées plusieurs de particules) et non sous forme de particules seules.

Cette expérience permet de définir le domaine linéaire du matériau utilisé, ici le TiO2 dispersé dans de l’huile silicone : ce dernier est limité par une déformation γ < 10%. Dans la suite, on utilisera une déformation de 1% pour nos mesures.

Méthodologie de mesure

Après avoir effectué l’expérience, les résultats sont obtenus sous la forme de graphes représentant les modules G’ et G’’ en fonction du temps, à échelle logarithmique. Ci-dessous se trouve une illustration de l’un d’eux :

Illustration de résultat obtenu à partir du rhéomètre

Sur ce graphe nous pouvons observez plusieurs courbes. La courbe bleu représente le module d’élasticité en fonction du temps, tandis que la verte représente elle, l’évolution du module de perte en fonction du temps.

Après avoir appliqué un champ électrique E et une fréquence f initiales, pour être plus précis dans nos mesures, on attend que les valeurs des modules se stabilisent pendant quelques secondes, se forme alors un palier, G’ est à l’état stationnaire. Cette stabilisation de G’ nous indique que le nombre de colonnes formées entre les deux électrodes est constant. Par exemple sur la figure 7, soumis à un champ E égale à 40 V/mm et une fréquence de 1 Hz, le module d’élasticité G’ vaut environ 105Pa.

Si l’on coupe le champ E, on remarque alors que G’ baisse et que donc les colonnes formées auparavant se cassent. Cependant elles ne se cassent pas toutes, preuve en est, le second état stationnaire de G’ (G’ vaut 2.104Pa).

On observe également la réversibilité de l’état du système car, par exemple, quand on remet le champ électrique à 40 V/mm, la valeur de G’ se stabilise sur la même valeur que celle prise initialement.

Il est également possible d’augmenter le champ électrique est la fréquence assez rapidement, comme le montre l’illustration E= 80 V/mm et f = 1KHz, G’ augmente alors de manière très rapide pour rejoindre un état stationnaire, il y a alors une hausse du nombre de colonnes créées. On souligne une fois de plus la réversibilité de l’état du système lorsque l’on rabaisse E et f.

Pour nous le rhéomètre joue, le rôle d’un microscope. Effectivement, on observe l’état dans lequel est le système (TiO2 + huile silicone) à un instant donné.

Expérimentalement, nous avons fait varier le champ électrique et la fréquence afin d’estimer la valeur du champ pour laquelle des colonnes de particules sont formées et qu’on visualise par la mesure de G’ et G’’. Effectivement, soumises à un champ électrique trop élevé, les particules de la colonne « se collent » entre elles, cela est dû aux forces d’interaction entre particules (forces de Van der Waals et dipolaire). L’ordre de grandeur du champ électrique obtenue est d’environ 1000 V/mm.