Pourquoi estimer la masse des amas de galaxies?

Les amas de galaxies, objets astrophysiques

L'intérêt d'étudier les amas de galaxies (et notamment la détermination de leurs masses) réside dans le fait que ce sont les systèmes les plus massifs de l’Univers. On parle d’un ordre de grandeur avoisinant $ 10^{15} $ fois la masse du Soleil tandis qu’une simple galaxie comme la Voie Lactée possède une masse de $ 10^{12}M_\odot $ (masses solaire). De plus, ce sont de réels laboratoires astrophysiques à grande échelle pour étudier l'évolution des galaxies, la physique des plasmas ainsi que la physique des hautes énergies.

Ces ensembles de galaxies, de gaz et de matière noire au sein des amas sont tels que dans certaines régions, on pourrait assimiler l'amas à un accélérateur de particule géant. Les particules en rotation au sein de l'amas génèrent un champ magnétique d'une intensité de quelques $\mu$ G s’étalant sur une distance de plusieurs dizaines de kiloparsecs (kpc). Elles s'autoaccélèrent progressivement pouvant atteindre des vitesses proches de la vitesse de la lumière. Ce qui est intéressant dans cette analogie c’est que certains résultats au sein des accélérateurs de particules que nous avons sur Terre peuvent être comparés à certaines réactions et chocs particulaires observés au sein de l’amas. Nous pouvons même observer des réactions différentes et uniques dans des conditions que notre technologie ne permet pas de simuler en laboratoire sur Terre comme par exemple insérer une quantité astronomique de gaz d'une température de ( $ \sim 10^7 K $ ) et d'une densité moyenne de ( $ n_{e} \sim 10^{-3}-0.1 $ ). Il est ici question, d’accélérateurs de particules pouvant dégager des énergies se situant entre 1 et 80 keV. Ces observations font appel à : la physique des particules, l’astrophysique, la physique de la dynamique des gaz, la physique des particules relativistes, etc… Ces études ne touchent donc pas qu’une branche isolée de l'astrophysique mais regroupent un ensemble considérable de domaines au sein de la physique dont les enjeux sont multiples.

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Schéma montrant l'évolution d'une galaxie spirale bleue au sein d'un amas de galaxies. Crédit : ICRAR

Les amas de galaxies, sondes cosmologiques

Observer des amas de galaxies à différentes distances nous permet de comprendre leur évolution car ils correspondent à des temps cosmiques différents. Dans le cadre du scénario standard cosmologique, les structures se forment par accrétion de structures plus petites. La vitesse de formation de ces structures dépend du modèle cosmologique. Elle dépend par exemple de la densité de matière dans l'Univers, de la densité de matière noire et baryonnique, de l'énergie sombre. Par conséquent, si l'on mesure la densité d'amas d'une certaine masse, à une certaine époque, on pourra directement contraindre ces modèles cosmologiques.

Le processus d'évolution dynamique de ces structures est dominé par la matière noire. A grande échelle on remarque que la gravitation domine fortement, c'est pourquoi un modèle de matière noire dont la dynamique n'est liée qu'à la gravitation reproduit très bien la distribution des galaxies à grandes échelles. Cependant, si l'on observe de plus petites régions, la matière baryonnique va tendre à perturber l'impact de la matière noire localement. On peut alors tester ces idées en s'appuyant sur des simulations numériques et des observations. En effet, on observe qu’à différentes échelles on identifie des structures qui ont des contrastes de densité différentes à des temps cosmiques différents, on en conclut donc que l’Univers perd son homogénéité au cours du temps formant alors des structures. Ces structures vont se former progressivement par effondrement formant dans un premier temps des structures à 2D (murs, feuillets) qui vont continuer à s’effondrer pour former des filaments aux noeuds desquels se forment les amas. Ces filaments de matières formant ce que l’on appelle un réseau cosmique, sont contraints par l’attraction gravitationnelles de la matière noire et sont donc le fruit de plusieurs milliards d’années d’évolution de l’Univers. Ce réseau de matière nous permet de rendre compte statistiquement de façon assez précise la distribution de matière, et par la même occasion, de matière noire, nous permettant de récolter des informations complémentaires sur l’évolution, la constitution et la répartition de la matière au sein de l’Univers. Cet accélérateur de particule géant couplé avec cet aspect de sonde cosmologique est donc un excellent outil théorique et observationnel afin de mieux comprendre l’Univers dans lequel nous évoluons. Cependant ils ne peuvent être mené à terme qu’à une seule condition : déterminer avec précision la masse des amas de galaxies.

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Simulation numérique (Millenium-II simulation) de l’évolution de la densité de matière noire au cours du temps cosmique. (De haut en bas) Le temps cosmique avance dans cette direction les images du dessus se déroulant avant celles du dessous. (De gauche à droite) zoom sur la partie centrale de l'image se trouvant à la gauche de l'image regardée. Au long de cette simulation numérique on voit bien apparaître le réseau de filament est de nœuds compose l'Univers. Source: M. Boylan-Kolchin et al. 369 2009, Resolving cosmic structure formation with the Millennium-II Simulation, MNRAS 398, 1150, p. 1155